Dossier par Jeanne Hoffstetter
Malwida
reprise au Studio Hébertot
Dirigée par François Michonneau, Bérengère Dautun incarne Malwida von Meysenbug à travers la relation exceptionnelle qu'elle eut avec Romain Rolland. Une découverte passionnante, un spectacle dont on ressort enrichi et heureux.
Malwida
Idéaliste auréolée d'un mystère, Malwida (1816-1903) est une aristocrate allemande issue d'une famille nombreuse. Frêle et de santé délicate, elle quitte rapidement son milieu pour s'intéresser aux idées révolutionnaires de l'époque, et défendre avant l'heure la cause féminine, connait l'exil, et la pauvreté. Son étrange parcours lui fait côtoyer les plus grands, Michelet, Wagner, Nietzche, Liszt... Elle est vénérée. De sa rencontre avec Romain Rolland, dont elle est de cinquante ans l'ainée, nait une abondante correspondance et ces mots de lui au seuil de sa vie : « L'ami qui vous comprend, vous crée. En ce sens, j'ai été créé par Malwida. »
Autour de Bérengère Dautun, Benoît Dugas alias Gabriel Monod, Ilyes Bouyenzar, Romain Rolland jeune au piano (exceptionnelle découverte !) avec Jean-Claude Drouot touchant et magnifique en voix off campant Romain Rolland à la fin de sa vie.
Bérengère Dautun est Malwida.
Comédienne et femme remarquable, elle aime jouer « les personnages contrariés », affectionne les grands destins de ce monde et le « Jamais fait, jamais vu » comme en témoignent les surprises qu'elle nous réserve encore. Heureuse et fière d'être la 450ème sociétaire de la Comédie Française et de diriger le Studio Théâtre Hébertot, elle poursuit son chemin avec brio et détermination... Michel Mollard écrit pour elle "Malwida". « Il avait vu "Un bateau pour Lipaïa" et avait été frappé par la force qui émanait autant de la comédienne que de l'être humain que je suis. Physiquement cette petite femme frêle mais ardente me correspond. Malwida a consacré sa vie à éveiller de grands esprits, c'était une éveilleuse d'âmes parmi lesquelles Lou von Salomé, que j'évoquais quand j'ai écrit "Cantate pour Lou". Pourquoi n'a-t-elle pas eu de vie personnelle ? Le mystère reste entier. Même dans ses "Mémoires d'une idéaliste" elle n'en parle pas, alors je la joue avec ce mystère, ce sentiment d'absence à moi-même et c'est passionnant. Mais si l'on ignore son secret, moi je sais quel est MON secret, qui a fait que je suis devenue comédienne. » Un secret sur lequel Malwida a bâti sa force.
Une enfance « terrible » qui a fait la force de Bérengère Dautun. « Quand vous savez que parce que vous êtes une fille vous n'existez pas aux yeux de votre père, que votre mère était malade quand vous êtes née, que vous survivez uniquement grâce à votre frère... Si j'ai eu enfin une mère après sa guérison, mon père a toujours été cet être terrorisant qu'il fallait affronter. Tout ce que j'ai fait c'était pour lui dire : Mais j'existe ! J'existe ! Et voilà comment je suis devenue cette petite femme frêle à la force immense. Donc en fait je dois lui dire merci d'être devenue ce que je suis. J'aime aider les autres, les jeunes compagnies, mais j'ai aussi vécu un long et grand amour avec le professeur Cabrol alors que Malwida n'a toujours été tournée que vers les autres. Mais je ne pourrais pas être Malwida sur scène si tout ne partait pas du centre de mon être, de mon âme. Et vous savez, au stade où j'en suis de ma carrière, ça ne m'intéresse pas de jouer, ce qu'il me faut c'est ÊTRE. Mon bonheur absolu est de vivre en scène des choses fortes, de diriger ce théâtre et d'aider les autres. Alors merci la vie !»
Michel Mollard, L'auteur.
Polytechnicien, dirigeant d'entreprises, il finit par se détourner de son parcours initial pour se consacrer corps et âme à la littérature et à la musique. Pianiste et écrivain lui-même, l'art et la beauté le passionnent. Tout comme le passionne Romain Rolland auquel il avait dédié l'an passé un ouvrage, également transposé sur scène : « Dernières notes », consacré aux dernières heures de l'écrivain. « Aujourd'hui, je suis sorti du domaine financier. J'ai la chance de faire ce qui m'intéresse : l'écriture, et cette activité que je dirais militante en organisant quelques concerts chaque année au théâtre des Champs-Élysées, pour lutter contre ce que je crois être deux plaies : la politisation et la marchandisation de l'art et de la culture. Voyez, c'est un peu le combat de Jacob avec l'ange !»
Ce voyage à travers ses passions fait en sa compagnie m'enthousiasme tant que j'aimerais le partager si ce n'était que le sujet du jour est la relation exceptionnelle qu'entretinrent Malwida et Romain Rolland. A ce propos, Michel Mollard raconte la petite histoire qui lui a ouvert une voie royale. « Elle, je la connaissais parce que quand on s'intéresse à Wagner et à Liszt, elle est en filigrane derrière eux. Mais un ami Chinois dissident vivant en France aujourd'hui m'a demandé un jour si je connaissais la correspondance entre Romain Rolland et Malwida et m'a raconté qu'il avait trouvé ce livre à moitié déchiré dans une poubelle au début de la révolution culturelle, quand on brûlait tous les livres pour qu'il n'en reste qu'un, le petit livre de Mao. Et là, il ne me dit pas : c'est un livre que j'ai lu avec plaisir, mais : C'est un livre qui m'a aidé à vivre pendant dix ans, et qui ne m'a jamais quitté. »
Comment alors ne pas plonger à son tour ? En tirant le fil, Michel Mollard s'aperçoit qu'un allemand a édité non seulement les lettres de Romain Rolland à Malwida mais aussi celles qu'elle lui avait adressées. Alors il lit, réfléchit, et se met à écrire. « Si vous voulez, Malwida sent les génies et s'y attache, très tôt elle se retrouve dans les cercles artistiques. J'ai trouvé par exemple cet échange dans la correspondance que je suis en train d'éditer entre Romain Rolland et André Suarès qui écrit durant la guerre de 14/18 : Si tout le monde était comme Malwida ! Je peux en parler encore mieux que toi lui répond Rolland parce que moi je l'ai vraiment aimée. Elle comprenait tout. Voilà, c'est merveilleux, non ? Il y a autour de cette femme un mystère dont j'essaie de parler sans forcément parvenir à l'expliquer... »
Paru le 23/02/2025






![]() ![]() ![]() ![]() ![]() (12 notes) STUDIO HÉBERTOT Jusqu'au dimanche 16 mars
THÉÂTRE CONTEMPORAIN. Lorsqu’à l’été 1889, chez son maître et mentor Gabriel Monod, Romain Rolland fait la connaissance de Malwida von Meysenbug de cinquante ans son aînée, il n’imagine pas que cette rencontre va bouleverser sa vie. Aristocrate émancipée de son milieu d’origine, Malwida est devenue une apôtre de la cau...
|