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Francis Lombrail
© Bernard Richebe
Dossier par Jeanne Hoffstetter
Pauvre Bitos - le dîner de tête
au théâtre Hébertot

Enfin revoir la pièce de Jean Anouilh à l'affiche d'une salle parisienne et qui plus est, au Théâtre Hébertot ! Créé en 1956 par Michel Bouquet le spectacle vaut à l'auteur d'être traité de fasciste, quand Bouquet essuie des crachats sur son passage ; mais tous deux jubilent devant le scandale que provoque cette pièce brillantissime renvoyant face à face la Révolution Française et l'Épuration.

Francis Lombrail
Directeur du théâtre Hébertot est Vulturne grimé en Mirabeau

Parce qu'il aime autant son théâtre que son métier d'acteur, il court, court, ne voulant sacrifier aucun des deux. Le retrouvant, je ne puis m'empêcher de revoir sur scène ici même, l'affrontement mémorable entre lui et Michel Bouquet dans "A tort et à raison", la pièce de Ronald Harwood. Michel Bouquet à jamais dans son cœur et ses pensées. « Oh oui, d'autant qu'il m'avait dit : Il faut absolument que tu fasses "Pauvre Bitos" que Jean Anouilh a écrite pour moi et qui est une des pièces que j'ai le plus aimée. Maxime d'Aboville sera un Bitos formidable, et si tu peux faire un rôle, tu verras celui de Mirabeau est magnifique.» En février prochain, la pièce verra de nouveau le jour et les répétitions ont déjà commencé. Francis Lombrail sera grimé en Mirabeau. « Mirabeau était un homme humain, d'ailleurs, il s'est fait élire par le Tiers État donc par le peuple, malgré la noblesse de ses origines. Il avait aussi beaucoup d'esprit et sous la plume de Jean Anouilh, c'est irrésistible, ça arrive toujours fort à propos, les passe d'armes avec Bitos /Robespierre sont vraiment exquises. C'est un combat de mots et de réflexions merveilleusement croustillantes. Je pense que c'est un personnage pour moi, et que Maxime d'Aboville sera un époustouflant Bitos.»
Anouilh, plus que jamais dans l'air du temps ! « Disons qu'il est là totalement d'actualité, dans le wokisme que nous vivons et ces gens qui manient la haine dans tous les sens... Mais quand vous écoutez l'adaptation faite par Maxime d'Aboville et Adrien Melin, c'est tellement truculent que tous les sous-entendus passent très bien. Maintenant on est très curieux de voir quelles seront les réactions, parce que c'est quand même une vision sombre de la nature humaine, mais éclairée par le théâtre. Alors, à nous d'être dans une efficacité aussi diabolique que la pièce ! Je suis fier et très heureux aujourd'hui d'exaucer le vœu que Michel m'avait confié.»


Thierry Harcourt
Le metteur en scène

Pour la troisième fois, il monte une pièce de Jean Anouilh et s'en réjouit. Remettre sur le devant de la scène parisienne "Pauvre Bitos" est excitant. « Elle est impressionnante cette pièce et sans doute provoquante aujourd'hui encore parce qu'elle dit tout, avec ce côté politiquement incorrect que je trouve génial alors qu'on est cerné par la tyrannie de la bien-pensance et de la vertu. Là, dès lors que l'on pénètre dans le lieu, c'est une chute libre, il n'y a de répit pour aucun des personnages et le spectateur va être emporté par cette vague. Pour ce texte magnifiquement écrit, j'y vois le corps d'une comédie anglaise, rapide et élégante, avec la tête monstrueuse d'un film de Fellini. Je pense au Casanova par exemple. Il ne faut pas oublier qu'ils sont en smoking et robes du soir avec des têtes de Danton, de Marie-Antoinette et de Mirabeau qui s'est même fait la petite vérole. Nous avons supprimé les personnages qui ont un tout petit rôle et rien à défendre, donc de 13 on passe à 7. Pour ça, la famille Anouilh est formidable, elle comprend que le théâtre et les habitudes des gens évoluent et connaissant mon respect pour le texte, elle nous a laissé supprimer tout ce qui n'apportait rien, ce qui fait que tous les rôles sont intéressants à jouer. Enfin, Anouilh parle souvent des artistes à travers ses pièces. "Bitos" est un jeu de miroir qui n'en finit pas et je pense que c'est une de ses pièces les plus fortes. Alors monter en même temps "Les Chaises de Ionesco" au Lucernaire et "Pauvre Bitos" dans ce magnifique écrin qu'est le Théatre Hébertot, défendre des textes comme ça je me dis que je suis bien à ma place et que c'est un bonheur de faire ce métier !


Adrien Melin
est Maxime de Jaucourt grimé en Saint-Just, et adaptateur de cette version resserrée avec Maxime d'Aboville.

Maxime de Jaucourt, qui éprouve de la rancœur envers ses ancêtres qui se sont laissés guillotiner "comme des moutons", est l'instigateur de cette soirée démoniaque. Son but est de réunir ses amis issus de l'aristocratie Clermontoise et un certain André Bitos qu'il estime être le Robespierre des années 50 puisque, devenu procureur de la République, il a été actif durant l'Épuration. Ils vont se payer sa tête, l'humilier, et même tenter de le tuer. C'est d'une cruauté abyssale et on sent que Jean Anouilh prend un immense plaisir à raconter cette cruauté.
« Nous avons mis au point avec Maxime d'Aboville et sans la réécrire bien sûr, une version resserrée de la pièce qui durait 2 heures 45, en en coupant plus d'une heure. La mise en place du stratagème est extraordinaire et l'acte 1 est un pur bijou. Dans l'acte 2, on bascule dans la révolution, mon personnage Maxime devient Saint-Just, l'archange de la Terreur, tout fin, tout maigre, qui meurt à 26 ans. En théorie, je suis trop âgé pour jouer Saint-Just mais il s'agit en fait du cauchemar de Bitos, évanoui, croyant avoir été tué. Donc, ça n'a pas d'importance. C'est une apparition spectrale. Nous sommes dans la tête du héros. Ce sera une partie plus onirique. Si Bitos admire Robespierre le personnage qu'il incarne, ce n'est pas le cas de Maxime de Jaucourt et de ses amis qui vont jouer leurs rôles avec un peu plus de distance et d'ironie. Ce qui est passionnant, c'est qu'il y a toujours du théâtre dans le théâtre chez Anouilh. En somme, j'interprète un monstre qui interprète un autre monstre, et j'en suis ravi ! Si ce projet voit le jour c'est aussi grâce à Maxime d'Aboville avec lequel je joue pour la quatrième fois, qui va être extraordinaire en Bitos, et au courage inouï de Francis Lombrail qui a décidé de monter la pièce. On a hâte ! »
Paru le 05/02/2024

(63 notes)
PAUVRE BITOS - Le dîner de têtes
THÉÂTRE HÉBERTOT
Jusqu'au samedi 15 juin

COMÉDIE. André Bitos est un fils du peuple devenu substitut du procureur de la République et il a, à ce titre, fait régner la terreur au lendemain de la Libération en devenant un agent cruel. De retour dans sa petite ville de province, il est invité par d’anciens camarades de classe, membres de la bonne so...

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