Connexion : Adhérent - Invité - Partenaire

Irina Brook
D.R.
Portrait par Manuel Piolat Soleymat
Irina Brook
metteur en scène de « Une bête sur la Lune » au théâtre de l’Œuvre

Finie la comédie... Cap sur la mise en scène !
2000 fut pour elle l'année de la consécration. Molière de la révélation féminine et prix du nouveau talent théâtre de la Société des auteurs et des compositeurs dramatiques pour sa mise en scène de Résonances, Irina Brook ne regrette pas d'avoir tiré un trait sur sa carrière de comédienne. À 38 ans, elle a atteint une forme de sérénité, et la voilà lancée à toute allure sur les pas de son célèbre père, Peter.

Née à Paris, qu'elle a quitté à l'âge de 18 ans pour se rendre à New York, Irina Brook n'en est pas moins restée une véritable... Anglaise. De ses origines britanniques, lui restent une pointe d'accent et un sens de la retenue qui, par le passé, a pu aller jusqu'à la pudeur, voire la timidité. C'est peut-être la raison pour laquelle elle a mal vécu les quinze années durant lesquelles elle a été comédienne. « Pour être un bon acteur, il faut vraiment se sentir totalement disponible, être un canal à travers lequel les choses peuvent passer. Je n'ai jamais pensé détenir cette capacité-là. J'ai toujours trouvé très gênant, presque humiliant, de montrer mes émotions en public. Je faisais de gros efforts pour me battre contre ma personnalité. »

Avant de franchir le pas qui la mènera à la mise en scène, il lui faut se libérer du poids que représente le mythe paternel. « J'ai toujours ressenti un vrai besoin de création. Si j'ai d'abord entamé une carrière de comédienne, c'est parce que je n'avais pas la confiance nécessaire pour me dire que je pouvais devenir metteur en scène. Je me suis très tôt rendu compte de l'importance, de l'ampleur pédagogique et intellectuelle du travail de mon père. Me persuader que je pouvais également m'y engager a été un long travail sur moi-même. »
C'est chose faite en 1996. Le déclic a lieu grâce à une comédie dramatique de Richard Kalinoski, Une bête sur la Lune, pièce sur le génocide arménien pour laquelle elle ressent un véritable coup de foudre. Sa première création voit ainsi le jour à Londres. Une page de sa vie est tournée. Dès lors, les mises en scène s'enchaînent, en Angleterre, en France et en Suisse : Madame Klein, Tout est bien qui finit bien, Danser à Lughnasa et enfin Résonances en 1999.


Derrière la scène comme un poisson dans l'eau, Irina Brook a trouvé la voie de son accomplissement. Posant un œil attentif sur le moindre détail, elle se surprend de perfectionnisme. « J'ai subi une réelle transformation de ma personnalité depuis que je suis metteur en scène. J'ai l'impression d'être une artiste à présent, de pouvoir exprimer ce que je sens de la vie et le transmettre aux autres. J'attache beaucoup d'importance au plaisir des répétitions. Avoir souffert de timidité, en tant qu'actrice, me pousse à faire un effort particulier pour rendre le temps des répétitions agréable, ludique. Toutes ces années de l'autre côté me servent énormément dans mes relations avec les comédiens. Car finalement, tout part d'eux. La première chose, au théâtre, c'est l'humain. On doit tout faire pour mettre les acteurs en valeur, mais cela ne doit pas être au détriment d'une esthétique. Pour moi, la force du théâtre, c'est de créer une relation réelle, vivante, d'un côté et de l'autre de la scène. Lorsqu'il se passe quelque chose d'exceptionnel pendant un spectacle, on se rend compte que c'est beaucoup plus intense que ce qui pourrait se passer au cinéma. »


« UNE BÊTE SUR LA LUNE »

Après Londres, Lausanne, Bobigny et plusieurs tournées, Irina Brook reprend, au théâtre de l'Œuvre, la pièce avec laquelle elle a fait ses débuts. À travers la vie d'un couple étrange, Une bête sur la Lune relate le drame du génocide perpétré par les autorités turques sur le peuple arménien au début du XXe siècle (un million de morts, trois millions de déplacés). Le début de l'histoire présente Aram Tomasian, un photographe professionel qui a économisé assez d'argent pour acheter sur catalogue une orpheline arménienne, qui deviendra son épouse. La jeune fille a tout juste 15 ans et accueille ce mari comme un sauveur. « Cette pièce est un véritable phénomène. Ce qui en fait peut-être le succès, c'est le monde particulier dont elle parle : celui des Arméniens, et ce sujet est universel. Mais elle ne le fait pas de façon lourde et politique. Il s'agit avant tout d'une très belle histoire de couple, pleine d'humour et d'émotion. »

Irina Brook mettra également en scène, cette année, une adaptation pour enfants de l'Odyssée d'Homère et La Ménagerie de verre de Tennessee Williams, actuellement en tournée.
Paru le 25/01/2001