Dans un décor minimaliste digne d'une tanière avec, pour seul compagnon, un poisson rouge qui tourne en rond dans son bocal, Tony se raconte : les souvenirs chauds et dorés de son enfance en Algérie, l'exil et son arrivée en France enfant...La mort de son frère ou la séparation avec sa compagne Luna. Pour conjurer le chagrin de cette inévitable séparation, Tony se raccroche aux vies de ses locataires et survit à travers leurs histoires simples, où se côtoient le bonheur et le malheur d'une humanité rendue invisible dans les périphéries d'une société à deux vitesses. La rumeur sourde des étages et des cages d'escalier de l'immeuble est la caisse de résonnance d'un monologue saisissant sur notre société contemporaine et son individualisme forcené. Tony est une veilleuse d'espoir, car oui, il existe aussi une générosité et une solidarité qui évite que le « bâtiment » coule complètement. Pierre Forest porte haut ce personnage, tour à tour émouvant, tonitruant ou railleur...La force de cette interprétation réside avant toute chose dans ce mélange de Force et de Fragilité permanentes qui émanent de ce comédien..., Pierre Forest nous offre autant « à voir », qu'à « entendre » ! Acteur ardent, il avance comme un funambule sur le fil du rasoir de sa propre histoire et de ces chroniques individuelles, entre tragédie du quotidien et comédie humaine. La mise en scène et la direction d'acteur de Séverine Vincent nous transporte dans cet univers sombre, où tente de passer la lumière, avec sobriété et justesse. Le texte ciselé de Aude de Tocqueville, inspiré de témoignages de dizaines de véritables gardiens d'immeubles, réussi parfaitement à créer ce personnage de fiction à l'âme singulière... Cet Ange Gardien là est un « coup de gueule » poétique, un soliloque emprunt d'humanité et d'espoir dans une société qui tend à se « désincarner »... !