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Sotha
D.R.
Dossier par Caroline Fabre
Le Café de la Gare prépare son jubilé
Sotha

Sotha co-dirige le Café de la Gare depuis sa création, il y a... 50 ans ! Accessoirement, elle est la plus ancienne des directeurs de théâtre en exercice à Paris et, fait rarissime, ne traîne aucune casserole ! Intarissable sur le CDLG (désolée mais c'est plus court), elle nous raconte son Histoire, à travers quelques histoires.
En 1966, Romain Bouteille et Sotha écrivent «La Limande bout» (La lime en 2 bouts, L'aliment de boue, La lie ment debout), pièce pour treize comédiens. Après un an de démarches, ils parviennent à la faire jouer un petit mois à l'Athénée. Insatisfait, Romain se met en tête d'un lieu... avec un sacré « mec » rencontré en février 68, Coluche. Ils le trouvent rue d'Odessa et, pour y construire un théâtre, partagent marteaux et truelles avec Sotha, Patrick Dewaere (épousé soixante-huitardement par Sotha), Henri Guybet (rescapé de la Limande bout), une « fiancée » de Coluche -apprentie tapissière fraîchement élue "meilleure ouvrière de France" du nom de...Miou Miou- et quelques « oisifs proches », Jean-Michel Haas, Catherine Mitry et Gérard Lefèvre. Ils sont aussi aidés financièrement par des « vedettes » (Escudéro, Galabru, Ferrat, Bedos, Devos...).


Et le Café de la Gare ouvre le 12 juin 1969 !


Sur scène, de parfaits inconnus venaient chanter, faire des sketches et jouer avec "la Troupe du Café de la Gare". Ils s'appelaient Renaud, Alan Stivell, Rufus, Depardieu... « Comme seule publicité, des cartes postales avec nos tronches qu'on signait en les donnant aux passants... pour qu'ils ne les jettent pas ! Un jour, à la sortie du métro, Romain en dédicace une à un quidam qui lui propose sa signature en retour... c'était Jean Paul Sartre ! ». Très vite, le public afflue pour voir ces trublions qui osent tout et le théâtre devient trop petit. Alors, en avril 1972, tout le monde déménage rue du Temple.


Une histoire de copains et de famille(s)

Peu à peu « certains paresseux de la bande se retirent, parfois fatigués, parfois frustrés, parfois juste... morts ». Philippe Manesse, Patrice Minet, Jacky Sigaux, Dominique Dorel et Philippe Rony les remplaceront. Seule rescapée de l'équipe d'origine Sotha « dirige » (elle tient aux guillemets) le CDLG avec Philippe Manesse et leurs enfants. Ces derniers, Timothée et Jérémy Manesse et Manon Rony, y jouent leurs propres pièces ou celles des autres. On y voit même aujourd'hui la progéniture de certains qui y ont joué (ou continuent) : Lancelot Cherer, Christophe Guybet, Gino Lazzerini... Pour l'heure, les petits-enfants fréquentent seulement les coulisses !


En 50 ans, le Café de la Gare est « devenu un mythe sans l'avoir demandé... c'est pas son genre !»

Les réjouissances commenceront sans doute au printemps. Il sera fait appel aux anciens, «des gens qui sont passés ici, qu'on aime bien, qui sont toujours là et en bonne santé » : Romain bien sûr, mais aussi Rufus, Catherine Ringer et bien d'autres ! On verra des images d'antan. Outre les films de Sotha qui viennent d'être restaurés par le CNC, seront exhumés des enregistrements fondateurs. Peut-être « Le graphique de boscop » (de Sotha) sera-t-il remonté ? Esprit du CDLG, oblige... rien n'est encore fixé !


Sur cet esprit devenu culte (la contestation, le rire, la fête...), Sotha fait un constat plutôt amer : les temps ont changé, le CDLG aussi !

« L'intimité avec les acteurs qui jouent chez nous disparait, notamment à cause de l'alternance des rôles. Finis les repas ensemble, les nuits interminables à refaire le monde. L'humour aussi a changé. Le rire devient simpliste. « Au sud de la Loire, il n'y a que des arabes » ça faisait rire. Aujourd'hui ça provoquerait un tollé ! Le public préfère le rire garanti et pas cher. Alors exit la fameuse roue qui, certes faisait gagner des places, mais en surfacturait d'autres. Et on a beau me dire « tu n'as pas changé », faut pas me prendre pour une conne, j'ai pris 50 ans ! ». Quant au « pognon » : « Nous sommes condamnés au succès ! Chaque bide est un danger de mort ! Mais avant, on était capables de tout pour qu'un spectacle dure et se bonifie. Aujourd'hui, dès que son producteur constate une baisse de fréquentation, il l'arrête ». De guerre lasse, Sotha a cédé les rênes financières à Philippe Manesse... et autoproduit entièrement ses propres spectacles.

En ce moment, sa pièce, « Kong », parle à la fois « d'intelligence artificielle et de cinéma. Ça raconte plein de trucs, de l'ambiance d'un tournage à la transformation d'un mythe. Ça montre quel beau métier on fait... ». « Ce sera ma dernière pièce. Ensuite, je pense m'atteler à écrire l'histoire du Café de la Gare... avant que tout le monde ne meurt ! »
En attendant, que vive la fête !
Paru le 17/03/2019