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Jérôme Savary
D.R.
Portrait par Vincent Goupy
Jérôme Savary
Ancien cancre passé génie de la surprise et de la provocation

le nouveau directeur de l'Opéra-Comique continue de marquer la vie théâtrale.
Un début dans la vie
en trompette

Jérôme Savary a la bougeotte dans le sang. Il est né en 1942 à Buenos Aires, d'un père normand et de la petite-fille d'un gouverneur de l'État de New York, d'origine irlandaise. Rentré en Auvergne avec sa mère après la guerre, il préfère « monter à Paris » pour y devenir batteur de jazz plutôt que d'aller à l'école. C'est à deux pas de Chaillot qu'il se cogne contre la poitrine de Brigitte Bardot, rencontre Jean Vilar et s'abonne au TNP, où il est épaté par Gérard Philipe s'allongeant sur la scène comme sur son canapé dans Lorenzaccio.

Admis à dix-sept ans aux Arts-Déco, à vingt il part à New York jouer de la trompette et fumer de l'herbe, croise les Beatniks et Count Basie, avant un service militaire mortel au fin fond de la pampa argentine. Quelques petits boulots à Buenos Aires (dessinateur de BD), puis il rentre en 1963 faire la foire à Paris... dans les boîtes sud-américaines.
30 ans de révolution
dans la fête :
le Magic Circus (1966-1996)

C'est alors qu'il rencontre les « Argentins de Paris » : Garcia, Copi, Lavelli... Décorateur et comédien sur le tas, il fonde sa compagnie en 1965 et se met à écrire des spectacles - où il dialogue avec une poule. Après quelques bides financiers, Arrabal lui permet de monter son Labyrinthe et de participer au mouvement Panique, inspiré du surréalisme. Savary monte alors l'irrévérencieux et obscène Oratorio du radeau de La Méduse. Mai 68 ne le prendra pas au dépourvu...

Dans la foulée d'un triomphe à Londres et à New York va naître le « Grand Magic Circus et ses animaux tristes » (« l'homme est un animal triste car il a perdu le sens de l'animalité »). Le Magic jouera près des gens : ce sera, pour les solitaires de Noël, la Crèche vivante de 1969, puis les « tableaux vivants », où se croisent des animaux vrais et faux, et enfin les actions de rue, parades extravagantes contre les fêtes obligatoires. La fête ? Avant tout la liberté, pour chacun, de s'exprimer comme il l'entend. Souci politique aussi : invité par John Lennon à Toronto, le Magic racontera l'histoire de Zartan, frère mal aimé de Tarzan, opéra tropical contre la guerre du Vietnam.

Les leçons d'une carrière internationale

De la Scala de Milan au Teatro Mella de La Havane, Savary a monté environ 80 spectacles. Créations, pièces de théâtre, opéras, truffés de gags détournant nos mythes contemporains, de Freud à la BD.
Son séjour outre-Rhin lui montre que la faiblesse du théâtre en France est l'absence de troupe. Comparés à l'Allemagne, où tout théâtre subventionné a sa troupe permanente, les centres dramatiques français qui en sont dépourvus sont réduits à des cadres vides, même s'ils sont aidés par l'excellent réseau de subventions existant en France.
Les troupes offrent de nombreux avantages. Elles permettent notamment aux théâtres de jouer plusieurs spectacles en alternance, et à chaque acteur de jouer plus de rôles. C'est pourquoi, à l'Opéra comique, il se promet bien d'avoir la sienne...

Douze ans à la tête
de Chaillot (1988-2000)

Savary s'estime le digne héritier de Jean Vilar : il a rendu à Chaillot sa vocation de grand théâtre populaire. Il remplit la grande salle (2 500 places !) sans star, et pour un prix d'environ 100 francs. Sa Périchole latino-américaine a attiré 120 000 spectateurs en 80 représentations ! Au bout de douze ans, Chaillot, c'est Savary. On lui reproche d'être trop populaire ? C'est, selon lui, faire preuve d'un drôle de mépris du public !
Renouant avec la politique d'abonnements de Vilar (un abonné est un spectateur militant, qui aide à créer des spectacles), il a porté le nombre des abonnés de 2 000 à 12 000.
En guise d'adieux à Chaillot, Savary met en scène une dernière comédie musicale : Irma la Douce, à partir du 27 avril.

La révolution à
l'Opéra-Comique
dès la rentrée 2000...

Savary appliquera la même politique de démocratisation à l'Opéra-Comique, qu'il faut tirer de la mélasse financière. Il y reprendra La Périchole à la rentrée, avant d'y inviter une troupe de hip-hop. Il veut attirer un public plus jeune. Selon lui, la culture des jeunes générations est éminemment musicale. Dans le dessin animé, la publicité ou le clip, tout message est associé à de la musique. Il faut donc amener ce public vers le spectacle vivant, loin des « comédies musicales play-back »...

Savary promet aussi d'ouvrir les répétitions au public - comme à la Scala. Il a programmé pour février 2001 un carnaval à la brésilienne, sur la belle place Boïeldieu, devant l'Opéra-Comique. Il installera dans le foyer un bar à tapas, où il jouera du jazz en apéritif-concert... C'est reparti pour la fête !
Paru le 01/05/2000