Interview par Alain Bugnard
François Rancillac
La Place royale au théâtre de l’Aquarium
Directeur depuis 2009 du Théâtre de l'Aquarium, François Rancillac nous présente sa nouvelle création, dont l'enjeu principal est de rappeler et porter haut le désir d'absolu de la langue cornélienne.
Après "Polyeucte", pourquoi avez-vous choisi cette pièce de Corneille ?
Corneille est, à l'inverse des a priori, un auteur jubilatoire, maître dans l'art du rebondissement, de la surprise, à la limite parfois de l'étourdissement. C'est aussi un théâtre d'action et de réflexion, qui questionne inlassablement le sens de nos existences : qu'est-ce que vivre, sinon être soi, en toute liberté et sans entrave aucune ? «La Place royale», sa sixième pièce, est la première à formuler aussi clairement cette question de la maîtrise de soi et de son destin, qui sera la matière de toute l'œuvre à venir. C'est une comédie aussi drôle, folle que violente, les personnages poussant à l'extrême leur désir de libération.
De quelle manière allez-vous faire vivre le XVIIe siècle ?
Tout le spectacle (scénographie, costumes, musique...) repose sur cette tension entre ce début de XVIIe siècle et aujourd'hui : comment être aussi fidèle que possible à cette langue si étonnante, à cette vision de l'amour et de la vie si radicale, et les rendre immédiatement sensibles pour le public de 2015 ? Afin que les rêves, les projets, erreurs et impasses de ces jeunes gens soient les nôtres, des signes du passé seront réinventés à notre mode contemporaine.
L'un des thèmes de la pièce est le refus de l'amour qui enchaîne. Mais ne convient-il pas mieux de parler de passion, l'amour étant censé libérer ?
Alidor, qui est au cœur de la pièce, est autant amoureux fou de la belle Angélique qu'obsédé de sa liberté absolue. Or, comment être pleinement à soi quand on est troublé, habité par autrui ? L'amour, qui par essence fait vaciller nos repères et nous déporte hors de nous-mêmes, est vécu par Alidor comme une menace pour son intégrité. Aussi décide-t-il de se séparer d'Angélique. L'erreur de ces jeunes gens est peut-être d'opposer toujours le moi à l'autre : ils devront bien apprendre, au cours de cette folle journée, qu'il n'y a en fait de je que parce qu'il y a un tu avec lequel dialoguer : que l'autre est bien une chance et une richesse pour se construire soi-même - et donc pour vivre plus joyeusement la relation amoureuse. À l'heure de tous les replis sur soi, écouter Corneille est un peu de salut public !
Quel regard portez-vous sur ces six années passées à L'Aquarium ?
L'Aquarium, au sein de l'étonnante Cartoucherie, est un lieu formidable pour travailler, créer et accueillir du public. Mais c'est un théâtre encore trop méconnu, parce qu'un peu décentré, faisant le choix de la découverte et non de la reconnaissance. Aussi avons-nous mis en place quantité d'actions : ateliers amateurs de jeu et d'écriture, ateliers pratiques avec les jeunes scolarisés, théâtre en appartement, concerts, films, etc. Le combat continue, et joyeusement !
Corneille est, à l'inverse des a priori, un auteur jubilatoire, maître dans l'art du rebondissement, de la surprise, à la limite parfois de l'étourdissement. C'est aussi un théâtre d'action et de réflexion, qui questionne inlassablement le sens de nos existences : qu'est-ce que vivre, sinon être soi, en toute liberté et sans entrave aucune ? «La Place royale», sa sixième pièce, est la première à formuler aussi clairement cette question de la maîtrise de soi et de son destin, qui sera la matière de toute l'œuvre à venir. C'est une comédie aussi drôle, folle que violente, les personnages poussant à l'extrême leur désir de libération.
De quelle manière allez-vous faire vivre le XVIIe siècle ?
Tout le spectacle (scénographie, costumes, musique...) repose sur cette tension entre ce début de XVIIe siècle et aujourd'hui : comment être aussi fidèle que possible à cette langue si étonnante, à cette vision de l'amour et de la vie si radicale, et les rendre immédiatement sensibles pour le public de 2015 ? Afin que les rêves, les projets, erreurs et impasses de ces jeunes gens soient les nôtres, des signes du passé seront réinventés à notre mode contemporaine.
L'un des thèmes de la pièce est le refus de l'amour qui enchaîne. Mais ne convient-il pas mieux de parler de passion, l'amour étant censé libérer ?
Alidor, qui est au cœur de la pièce, est autant amoureux fou de la belle Angélique qu'obsédé de sa liberté absolue. Or, comment être pleinement à soi quand on est troublé, habité par autrui ? L'amour, qui par essence fait vaciller nos repères et nous déporte hors de nous-mêmes, est vécu par Alidor comme une menace pour son intégrité. Aussi décide-t-il de se séparer d'Angélique. L'erreur de ces jeunes gens est peut-être d'opposer toujours le moi à l'autre : ils devront bien apprendre, au cours de cette folle journée, qu'il n'y a en fait de je que parce qu'il y a un tu avec lequel dialoguer : que l'autre est bien une chance et une richesse pour se construire soi-même - et donc pour vivre plus joyeusement la relation amoureuse. À l'heure de tous les replis sur soi, écouter Corneille est un peu de salut public !
Quel regard portez-vous sur ces six années passées à L'Aquarium ?
L'Aquarium, au sein de l'étonnante Cartoucherie, est un lieu formidable pour travailler, créer et accueillir du public. Mais c'est un théâtre encore trop méconnu, parce qu'un peu décentré, faisant le choix de la découverte et non de la reconnaissance. Aussi avons-nous mis en place quantité d'actions : ateliers amateurs de jeu et d'écriture, ateliers pratiques avec les jeunes scolarisés, théâtre en appartement, concerts, films, etc. Le combat continue, et joyeusement !
Paru le 16/01/2015