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Didier Flamand
D.R.
Portrait par Vincent Goupy
Didier Flamand
L’illuminé du théâtre

Il remonte « Prends bien garde aux zeppelins », au théâtre national de Chaillot.

Il tient de Cremer pour la carrure, de Palmade pour la fougue et des Marx Brothers pour la folie... Aussi lui a-t-on confié des rôles plutôt contradictoires, entre sa timidité et son sens de l'absurde. À l'image de son parcours, qu'il assume complètement éclaté. Avec les Zeppelins, il se retrouve metteur en scène, loufoque et métaphysique.

Le soixante-huitard enflammé

Avoir eu 20 ans en 1968, ça vous marque un parcours. Surtout quand on passe par les courants les plus extrémistes, à l'époque du lettrisme, de Mnouchkine et de l'Actors Studio...
Encore étudiant à Vincennes, Duras l'embauche dans India Song, où il donne, tout fébrile, son premier baiser de cinéma à Delphine Seyrig. Il passera ensuite chez Ruiz, Wenders, Claire Denis ou Coline Serreau. Il réalisera plus tard un court métrage, La Vis (1993), entre Kafka et Brazil, qui raconte l'invention accidentelle du clou dans une société bureaucratique, le tout en « volapük », langue imaginaire aux consonances polonaises...
Mais la crise d'adolescence tardive de Didier Flamand se poursuit surtout dans une quête théâtrale. En deçà du texte, c'est le langage du corps et de l'émotion pure qui l'intéresse dans les ateliers de théâtre qu'il anime très tôt, dans les années 70.

L'architecte de tableaux vivants

C'est à cette époque qu'il monte les Zeppelins, en 1977. Spectacle-atelier avec les élèves d'Andréas Voutsinas, le projet devient une grande fresque visuelle et sonore sur la guerre. Rêve éveillé et infra-langage corporel nous font halluciner des visions de machine infernale : non expliquer la guerre, mais nous en faire ressentir le froid, la peur, la mort, le sordide.
Dans l'effarante scène du départ à la guerre, les locomotives au souffle humain et les groupes d'hommes sans identité suggèrent les mécaniques broyeuses de chair humaine. Derrière, la famille d'un soldat au moment de la séparation. Et la mère, inquiète : « Prends bien garde aux zeppelins ! » (citation d'Apollinaire)...
Reprenant ce spectacle de 30 comédiens vingt-quatre ans après, il rassemble presque toute la troupe (dont faisait partie Jean Reno), dans ces scènes muettes qui sont le fruit d'heures d'improvisations. Flamand appelle ça « éplucher l'oignon de l'émotion »...
Paru le 15/03/2002