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D.R.
Interview par Samuel Ganes
Philippe Mourrat
La Maison des Métallos, Lieu de tous les défis

C'est en septembre 2009 que Philippe Mourrat reprend la direction de ce lieu avec Christine Chalas. Bâtiment imposant, dans la lignée des "nouveaux territoires de l'art", à savoir les anciens établissements industriels reconvertis en lieux culturels, qui nous propose une programmation pour le moins diversifiée et étonnante. Rencontre avec son directeur.
Philippe, quel est votre parcours ?
J'ai commencé en dirigeant une maison de quartier dans une périphérie difficile où j'ai beaucoup appris. J'ai été ensuite administrateur de compagnies de théâtre avant d'entrer dans l'équipe du Parc et de la Grande Halle de La Villette où je suis resté quinze ans. Je faisais de la programmation artistique et de la mise en œuvre d'actions culturelles, j'étais aussi responsable du Festival des rencontres de La Villette, qui, au départ, est parti des cultures urbaines pour s'étendre à toutes les productions artistiques en lien avec les réalités sociales.

Aujourd'hui, vous êtes à la tête de La Maison des Métallos.

C'est un lieu que je suis fier d'intégrer, il est le digne héritier des résistants et mauvaises têtes de l'ancien Belleville : ça a toujours été un lieu de résistance. Construit à la fin du XIXe siècle, ce bâtiment fut, à l'origine, et le restera jusqu'en 1936, une manufacture d'instruments de musique - beaucoup ont été exportés aux États-Unis, et le mythe dit qu'ils ont participé à la naissance du blues ! Puis, avec le Front populaire, la CGT l'a repris pour en faire un lieu d'activité sociale et politique. C'est d'ici que sont parties les Brigades internationales pour la guerre d'Espagne, c'est ici aussi que les premiers accouchements sans douleur ont été pratiqués par les médecins de la CGT, revenant de l'URSS, où ils avaient observé ces techniques expérimentales. Fin des années 90, le lieu est mis en vente et la Mairie de Paris, à l'époque sous Jean Tiberi, l'a racheté pour tenter de se mettre dans la poche cet Est parisien résistant. C'est Bertrand Delanoë qui l'a donc récupéré et La Maison des Métallos est devenue alors un établissement culturel de la Ville de Paris qui le subventionne en grande partie.

Établissement culturel et, non, théâtre ?

Oui, c'est un lieu qui accueille le spectacle vivant dans son ensemble - théâtre, danse... -, mais aussi des pratiques artistiques - ateliers, stages, master classes. C'est un lieu de débats, de conférences, de pratiques numériques à travers les arts numériques aussi, un lieu en lien avec le tissu associatif : un lieu d'enrichissement mutuel. Ce quartier est une vraie chance aussi, car dans Belleville et ses environs, il y a une diversité et un métissage qui sont une vraie richesse. Notre programmation est basée sur une culture qui s'inscrit dans la réalité sociale, de créations qui s'en inspirent. Il y a un mélange des cultures et des formes qui donne naissance à de nouvelles esthétiques artistiques dans un esprit de socialisation. On veut juste que l'art et la culture n'appartiennent plus seulement qu'à 10 % de la population, mais qu'il soit la propriété de tous. C'est un combat de tous les jours, mais la culture est une arme noble et redoutable.
Paru le 25/04/2010