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D.R.
Dossier par Alain Bugnard
Anthony Kavanagh et Noëlle Perna
font leur show Au Gymnase – Marie-Bell

Rencontre avec deux des humoristes les plus plébiscités du public, actuellement à l'affiche du Gymnase : Anthony Kavanagh qui, après une incursion dans la comédie musicale avec "Chicago" et "Les Démons de l'Arkange" revient à ses premières amours, le one-man-show, et Noëlle Perna alias Mado, l'irrésistible tenancière du bistrot niçois "Les Oiseaux". Deux personnalités sensibles, généreuses et talentueuses dont le parcours nous est commenté par leur agent Philippe Delmas, un producteur "à l'ancienne".
Anthony Kavanagh, performer engagé

Votre nouveau one se veut une critique amusée de la société. Pensez-vous que la vocation des humoristes soit de relever les défauts de l'humanité pour l'inviter à se corriger ?

Pour mon retour à l'humour, je souhaitais entretenir le spectateur de tout ce qu'il m'est arrivé dans ma vie professionnelle et personnelle depuis ces cinq dernières années, des mutations qui se sont opérées dans la société, qu'ils s'agissent des évolutions technologiques, de la chirurgie esthétique ou des relations hommes-femmes... Avec une contrainte : un spectacle 100% tchatche - je ne peux m'empêcher de chanter et de danser ! Le but est de faire rire les gens et de les aider à faire le vide d'énergie négative. Mais certaines vannes contiennent des messages. Les humoristes sont les miroirs d'une société : regardez les spectacles des 10 humoristes les plus populaires dans 10 pays différents et vous aurez une bonne idée de l'état de ces pays. Quand je sens que le public se retrouve au travers de mes sketches, c'est formidable. S'il souhaite s'amender, c'est Byzance !

Il semblerait que vous soyez sensible à la fuite en avant dans laquelle notre monde paraît se perdre...
Le monde est devenu un village, les gens se sont rapprochés et éloignés en même temps. On peut correspondre avec quelqu'un en Chine mais on ne parvient pas à communiquer avec son voisin de palier. Pire, nous pensons tous de la même façon. Dans le spectacle, j'évoque le formatage de la musique et de mon expérience avec les maisons de disques françaises. Aujourd'hui, il faut plaire à toutes les couches de la société. Il existe une volonté de tuer la créativité artistique pour formater les esprits et gagner le maximum d'argent. C'est pour cette raison que je n'ai pas pu m'épanouir dans le monde de la télévision qui voulait gommer mon individualité afin de me rendre plus lisse. Ce n'est pas un show politiquement correct. Le ton est légèrement caustique avec une pointe de cynisme, mais je reste quelqu'un d'optimiste car les médias sont suffisamment anxiogènes !

"Diviser pour mieux régner" et, peut-être, "angoisser pour mieux manipuler" ?
Maintenir les gens dans un état de peur est une manière de les contrôler et de les empêcher de réfléchir. Aux États-Unis, au début des années 1980, 300 sociétés détenaient les médias. Aujourd'hui, elles ne sont qu'une dizaine à contrôler la façon de penser de l'Amérique et donc, du monde entier. Dès qu'une voix s'élève contre l'ordre établi, elle est taxée de marginalité puis éliminée du paysage pour ne pas déranger ceux qui vivent du système. Les gens doivent prendre la peine de fouiller, de chercher et de ne pas ingurgiter sans réfléchir tout ce que dit la télé ou la radio. Je conseille à vos lecteurs curieux de se documenter sur Edward Bernays, neveu de Freud, et de découvrir comment il a utilisé les découvertes de son oncle pour inventer le marketing et nous faire passer d'une société de nécessité à une société de désir. Consultez aussi les sites freedocumentaries.org et esoterictube.com, vous y lirez des choses étonnantes !

Humoriste, chanteur, danseur, comédien, acteur de cinéma... Vous avez tous les talents !
J'attendais depuis vingt ans de jouer dans un film et Étienne Chatiliez m'a offert cette chance avec Agathe Cléry. Je double aussi Marty, le zèbre de Madagascar 2 ! Je tourne un téléfilm pour Canal+, La Fille au fond du verre à saké et un autre pour France Télévisions, Les Amants de l'ombre. J'ai passé cinq ans à tenter d'expliquer aux gens que je n'étais pas qu'un humoriste, que je savais aussi danser, chanter et jouer la comédie. Aujourd'hui, je dois les convaincre que je suis toujours humoriste !

Le show de Mado

Mémorable apparition sur la scène comique en 2003 que celle de Mado, Niçoise à l'univers fantasque et déluré, incarnée par la comédienne Noëlle Perna. La voici de retour au Gymnase jusqu'au 28 février. "Dans le premier spectacle, Mado remplaçait Noëlle Perna qui était en retard. Il s'agissait donc d'une improvisation, d'une prise d'otage de la salle. Dans le deuxième, le producteur de Noëlle Perna ayant trouvé du talent à Mado lui a proposé de monter son propre show. Mais ses conceptions du spectacle sont assez personnelles d'autant qu'elle va commettre la grossière erreur d'embaucher des membres de sa famille : son mari dans les coulisses, son fils à la technique, son beau-frère à la caméra... Tous ces personnages, bien sûr virtuels, vont compromettre le déroulement de la représentation d'autant que Mado témoigne d'une forte propension à la digression :elle va perdre au fur et à mesure le fil de son 'mesclun de numéros différents' à travers lesquels elle évoque son bar à Nice, ses proches, ses voyages avec son mari... C'est un spectacle très personnel, sans discours polémiques ni message particulier, si ce n'est celui de la conclusion : Mado adore le mesclun, une salade composée de 5 feuilles différentes dont le mélange fait la richesse de son goût, comme l'alliance de nos différences fait la force de la vie." On l'aura compris, Mado est un phénomène, et pas des moindres, puisqu'elle a su drainer dans son sillage plus de 600 000 spectateurs : "Tout le monde peut se sentir proche de Mado, une personne très populaire, optimiste, pleine d'énergie et d'imagination. Elle booste le public, lui fait voir la vie autrement, sans amertume ni cynisme. Sa résonance est d'autant plus forte que sa personnalité est composée d'éléments authentiques et autobiographiques. J'estime mon travail hors des modes, des courants. Le fait de ne pas être trop médiatisée m'offre une grande liberté, mon large public me permettant d'exister sans l'appui des médias. Ce qui me convient parfaitement car je veux rester moi-même et ne pas me faire avaler par le système." Les fans de Mado pourront se procurer en mars un tout nouveau DVD : Mado à la fenêtre de son quartier : "Des historiettes dans lesquelles j'incarne aussi les voisins de Mado. Tous leurs échanges se font depuis leur fenêtre : reflet de la convivialité d'une vie de quartier, mode de communication ouvert sur le monde et qui se perd aujourd'hui."


2 questions à Philippe Delmas, producteur

Quel fut votre parcours ?

J'ai commencé ma carrière en tant que promoteur local dans le sud de la France pour des artistes de production parisienne. Je me suis tourné vers la production de spectacles en 2000, avec celui d'un imitateur, Bruno Boniface. J'ai continué avec Noëlle Perna en 2002. De nombreuses salles de province puis le théâtre de Dix-Heures lui ont permis de roder son show avant d'enchaîner avec Bobino, le Palais des Glaces et l'Olympia. D'autres artistes, estimant notre manière de travailler efficace, sont venus à notre rencontre : Nâdiya, Anthony Kavanagh, l'Empiafée ou encore Maxime au Gymnase.

En quoi votre manière de travailler diffère-t-elle de celle des autres producteurs ?
J'aime commencer par le commencement : faire vivre et connaître les artistes par la scène plutôt que par la télévision. Fidéliser un public laisse à un artiste le temps de développer son univers. Noëlle Perna fait ainsi partie des 5 premiers humoristes français en terme d'entrées - 600 000 en deux ans - et vend autant de DVD que Florence Foresti ou Franck Dubosc même si elle fait très peu de télé. Rares sont les producteurs français à exercer ce métier en se concentrant sur la durée et non sur l'image, la mise de fonds étant plus importante et plus risquée.
Paru le 29/01/2009