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D.R.
Portrait par François Varlin
Alexis Trégarot
Un agité du bocal

Exit l'agenda culturel du "Culture Club", maintenant, chaque dimanche de 18 h 30 à 20 heures, Alexis Trégarot est, avec son compère Stéphane Blakowski, aux commandes de la nouvelle émission culturelle de France 4 : "Les Agités du bocal." Un programme divertissant sur la culture et la société. Pour nous, Alexis Trégarot tire quelques conclusions de son expérience de la chose culturelle à la télé.
Qu'est-ce qui, pour vous, fait culture ?

Je n'aime pas le côté cultureux, "entre soi", les gens qui parlent de façon entendue parce qu'ils ont le vernis, l'érudition, la connaissance, lorsque ceux qui les regardent ne l'ont pas. La culture est l'un des derniers endroits où l'on est tous égaux. Face à la culture, on a tous une lecture émotionnelle, épidermique que ce soit pour un bâtiment, une photo, une toile, une sculpture, de l'art lyrique, un comique, du hip-hop... Quelle que soit l'œuvre produite, tout le monde a le droit d'avoir sa propre opinion ; puis il y a la connaissance des œuvres réalisées, de la vie de l'artiste. On souhaitait dans le Culture Club faire le lien entre tout cela et aider les artistes à verbaliser leur création.

Quelle est la place du spectacle vivant au milieu des nouvelles formes de culture ?

Il y a quatre grandes familles, un quadrumvirat duquel on ne sort pas : le théâtre, la musique, la littérature, le cinéma. Ces quatre matières ont accès à la télévision car leurs vedettes intéressent les talk-shows. On y parle cinq minutes de leur boulot et vingt-cinq minutes de leurs goûts pour savoir s'ils affectionnent les chiens, la température de leur café, et éventuellement s'ils aiment la sodomie ! Nous avions la chance dans l'émission de pouvoir consacrer autant de temps à un designer, un architecte, un danseur de l'Opéra, qu'à un acteur, c'est-à-dire de traiter sur un pied d'égalité toutes formes d'art, recevoir des gens qui n'allaient nulle part ailleurs : ni chez Ardisson, ni chez Fogiel, ni chez Denisot, ni chez Cauet...

La culture à la télé est-elle une forteresse assiégée ?

À la télé, la culture ne fait pas d'audience. Le problème est là. Mais il y a énormément d'émissions culturelles dans le groupe France Télévisions ; Patrick de Carolis l'avait annoncé en arrivant à la direction. Mais le spectateur est hypocrite : il demande pourquoi il n'y a pas de culture à 20 h 50, et quand il y en a, il ne la regarde pas. Du coup, on met à 20 h 50 ce que les gens regardent. Qui est l'œuf ou qui est la poule ?

La télé tire-t-elle les gens vers le bas ?

C'est la problématique de la télévision et de la culture à 23 h 30 plutôt qu'à 20 h 50. Dans le Culture Club on a consacré plus de temps à des choses plus ardues, à tirer les gens plus vers le haut que vers le bas. Mais le dernier grand événement de la télévision, c'est Le Loft. C'est la dernière création de la télé : nouvelle façon de voir les choses, nouvelle mécanique. Un phénomène. Dans mon travail, je ne peux pas être observateur d'un milieu en négligeant cette partie-là.

Quelles sont vos préférences au théâtre ?

J'ai vu plein de choses formidables ces derniers temps : Berling dans Caligula, Le Cabaret des hommes perdus, L'Amérique, Cabaret, Eva de Nicolas Bedos, Confessions trop intimes, Le Vieux Juif blonde... Puis il y a les spectacles dont je fais la promotion dans Troisième Rappel sur France 3, sans qu'ils correspondent forcément à mes goûts personnels, mais ils sont quand même dignes d'intérêt. Les pièces de Ruquier, de Baffie, ou avec Bern essayent, à leur façon de renouveler le Boulevard.

Depuis votre poste d'observateur culturel quels sont les mouvements que vous sentez ?

Un besoin de se marrer. Le goût du public pour les comiques et le one-man-show est flagrant. Dubosc, Gad Elmaleh... C'est étonnant de voir le comportement du public à l'égard de ces gens-là, ce sont les nouvelles rock stars. La principale vocation d'un spectacle, c'est que durant deux heures on ne pense à rien d'autre qu'à ce qui se déroule devant nos yeux.

Lorsque vous rencontrez les comédiens sont-ils différents de l'image qu'ils donnent à voir au public ?

La caméra est polluante, car lorsqu'ils sont avec moi à l'antenne, ils sont encore en représentation. Il faut obtenir d'eux un peu de vérité. Lorsque l'on reçoit un designer, un architecte, un peintre, un sculpteur, il leur est difficile de parler de la création. On a alors un rôle d'accoucheur. On leur dit : "Vulgarisez-nous, intéressez-nous à votre art !" Un artiste crée quelque chose censé ressembler à la petite musique qu'il a dans la tête ; mon rôle d'intervieweur est d'appréhender cette petite musique. Ce n'est pas la vie quotidienne des artistes qui est intéressante, mais le regard qu'ils portent sur le monde. Très longtemps, chez Marc-Olivier Fogiel, mon boulot consistait à faire des portraits et à aller mordiller les chevilles. Dans mes émissions, mon attitude est différente, je cherche après avoir vu une œuvre à donner envie à ceux qui nous regardent de s'intéresser à la démarche de l'artiste.

Vous faites de la promo...
Nous avons un rôle de prescripteur en matière de culture, nous devons aider le spectateur en lui disant : "Attention, ici on se fout peut-être un peu de votre gueule !" Mais je n'ai pas envie de me pincer le nez sur un certain théâtre que l'on pourrait juger trop commercial. Le théâtre souffre d'une image élitiste et d'une réputation d'ennui. Du coup, peu de gens y vont. Il faut absolument les persuader du contraire. Le théâtre est un art accessible et peut donner beaucoup d'émotions.



CV express

Jusqu'à 27 ans Alexis Trégarot travaille dans la mode et dans la publicité.
1995 : il quitte la pub, devient journaliste et réalise des reportages.
1997 : il travaille avec Marc-Olivier Fogiel sur Canal +.
2000 : chroniqueur pour "On ne peut pas plaire à tout le monde" (France 3).
2004 : "Troisième Rappel" sur France 3, et chroniqueur à France Inter au côté de Stéphane Bern pour "Le Fou du roi".
2006 : "Le Culture Club" sur France 4.
2007 : "Les Agités du bocal" sur France 4.
Paru le 09/07/2007