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D.R.
Dossier
“Les Cuisinières”
Une journée de carnaval à Venise

Jamais montée en France, cette comédie foisonnante de Goldoni retentit comme un hommage aux femmes et aux "petites gens". La jeune metteuse en scène Justine Heynemann s'en empare et crée un spectacle musical résolument joyeux et populaire. Sophie Artur, Bruno Paviot... Ils sont onze à donner de la voix sur la scène du Théâtre 13.
Justine Heynemann : "Goldoni parle des femmes d'une façon étonnamment libre"
"Donner corps à tout, faire fonctionner son imaginaire, le confronter à un texte pour donner naissance à des personnages, une esthétique, des idées..." Voici ce que Justine Heynemann place au cœur de son travail
de mise en scène. Activité que la jeune femme de 29 ans a toujours voulu exercer, sans jamais pour cela envisager de monter, elle-même, sur scène. Car ce qui l'attire dans le théâtre, au-delà du plaisir des mots, du style, de la force du jeu, c'est d'inventer des mondes, faire table rase des a priori pour s'abandonner à la liberté du créateur-architecte. Le Misanthrope de Molière, La Nuit juste avant les forêts de Koltès, Louison de Musset, Andromaque de Racine, Annabelle et Zina de Rullier, Bakou et les adultes de Nordmann... Si, depuis une dizaine d'années, Justine Heynemann navigue entre tous types de théâtres, elle confesse un attrait particulier pour les auteurs classiques. Et spécialement pour Goldoni. "C'est un auteur qui me plaît tout particulièrement, car il possède un sens comique rare. Je crois qu'il n'y a que lui qui conjugue à la fois cette légèreté et cette poésie. Et puis, Goldoni parle des femmes d'une façon étonnement libre pour l'époque, avec beaucoup de tendresse, beaucoup d'empathie. C'est un aspect de son écriture qui me touche beaucoup. Car quelle que soit l'époque, il n'est finalement pas si courant de trouver d'aussi beaux personnages féminins."
Sophie Artur :
"On est bien tous le vieux ou la vieille de quelqu'un"
Succombant ainsi à son envie de monter une pièce peu connue de l'auteur vénitien, Justine Heynemann est partie de l'idée qu'elle se faisait du carnaval, de la fête qui envahit la ville. Mais sans chercher à replacer Les Cuisinières dans leur contexte historique. Car pour la metteuse en scène, la pièce de Goldoni est atemporelle et universelle. "J'ai voulu créer un monde assez proche de celui d'aujourd'hui", explique-t-elle, "en trouvant des équivalences entre la Venise du xviiie siècle et une époque moderne pas forcément identifiable. Pour cela, Sonia Leplat et moi avons réadapté Les Cuisinières en demandant à Csaba Palotaï et Baptiste Heynemann de créer des parties chantées. C'est vraiment un texte qui appelle cela. Ces chansons sont comme des prolongements du texte qui permettent de mettre en lumière notre vision des personnages." Au centre de cette fresque festive, quatre cuisinières s'affairent et manigancent pour trouver "le temps, l'argent et, surtout, le garçon qui leur permettra de profiter du carnaval". Dans le rôle de Rosega, Sophie Artur campe la doyenne de ces servantes. Une femme qui, "la quarantaine passée, est déjà considérée comme une vieillarde !", précise malicieusement la comédienne. "Rosega est pratiquement regardée de la même façon que les personnages réellement âgés de la pièce. Jouer un tel rôle m'amuse, car la vieillesse, pour moi, n'est absolument pas un problème. Et puis, je comprends très bien cette assimilation. Quand on a 20 ans, 40 ou 70, c'est pareil ! Je trouve donc sain de mettre l'accent sur cette réalité-là. Car face au jeunisme exacerbé, il existe cette attitude consistant à nier sa vieillesse. Pourtant, on est bien tous le vieux ou la vieille de quelqu'un..."
Tout comme Justine Heynemann, Sophie Artur avoue être très sensible "à la façon dont Goldoni présente les femmes dans Les Cuisinières, avec leur franc-parler, leur capacité de gérer leur vie, de dire je reste ou je m'en vais, d'organiser des entourloupes à l'encontre de messieurs un peu trop complaisants." C'est cette place centrale accordée aux personnages féminins, ainsi que l'énergie libre et joyeuse de la pièce qui ont donné envie à la comédienne d'incarner le rôle de Rosega. Sans oublier son désir permanent de fouler les planches : "Le théâtre est vraiment ce que je trouve de plus nourrissant. Sur une scène, on est comme en dehors de la réalité, en dehors du temps. C'est quelque chose d'extrêmement exaltant ! On joue avec ce que l'on est, avec l'état dans lequel on se trouve le soir de la représentation. Si l'on est fatigué, notre personnage sera fatigué, si l'on se sent en pleine forme, le personnage sera en pleine forme... Ce qui fait que chaque soir est une nouvelle expérience. Même si j'affectionne également beaucoup l'image, on ne retrouve pas, devant la caméra, cette magie-là."
Ancien élève du cours Florent et de l'Ensatt, Bruno Paviot a déjà eu l'occasion d'exprimer son goût pour la chanson dans La Nuit des rois, montée par Anne Bourgeois. Aujourd'hui, dans Les Cuisinières, il
interprète le rôle d'Anzoletto.

3 questions à :
Bruno Paviot

Quel est le principal trait de caractère de votre personnage ?
Anzoletto est l'héritier d'une riche famille vénitienne. Il s'agit d'un jeune homme très léger, très gai, assez insouciant. Sa préoccupation essentielle dans la vie, c'est de s'amuser, de faire la fête. Alors, bien sûr, il va profiter du carnaval pour papillonner avec toutes ces cuisinières.

Qu'avez-vous essayé de construire autour de ce rôle ?
Généralement, ce qui m'intéresse le plus, ce sont les personnages complexes, torturés. Mais lorsque j'ai affaire à un rôle plus lisse, plus simple, comme c'est le cas aujourd'hui, j'essaie de chercher ses failles afin de lui donner de l'épaisseur. Il y a toujours des choses à trouver. Aucune personnalité n'est totalement limpide.

Et donc, quelles sont, pour vous, les failles d'Anzoletto ?
Je crois que c'est quelqu'un qui s'ennuie un peu dans son milieu social. Toutes les femmes ne voient en lui que l'héritier de sa fortune familiale. C'est sans doute pour cela qu'il prend tant de plaisir à se mélanger à la foule des domestiques. Le carnaval est pour lui l'occasion d'enfin entretenir de vrais rapports avec les gens.
Paru le 29/03/2006
CUISINIÈRES (LES)
THÉÂTRE 13 - GLACIÈRE
Du mardi 7 mars au dimanche 16 avril 2006

COMÉDIE. Elles se nomment Zanetta, Rosega, Meneghina et Gnese… on les appelle les bonnes, les domestiques ou encore les cuisinières… Leur vie n’est pas tous les jours facile: il faut échapper à la tyrannie des maîtres, faire preuve de ruse et d’aplomb. Mais aujourd’hui, c’est carnaval. Aujourd’hui, elles v...

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