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Michel Fagadeau / Metteur en scène
© Nathalie Mazéas
Zoom par Vincent Goupy
On ne sait comment
de Luigi Pirandello, à la Comédie des Champs-Élysées

L'œuvre-testament de Pirandello nous emmène au bord du gouffre des « crimes innocents ». Une exploration dans les abysses des rapports humains, entre
aristocrates trop civilisés...
Luigi Pirandello aime situer l'action de ses pièces parmi des gens du monde, et faire apparaître des gouffres au beau milieu de rapports sociaux extrêmement policés. Au cœur d'une société italienne figée dans ses traditions et mûre pour le fascisme, l'auteur démasque les intentions coupables et impose un châtiment aux crimes impunis. Il joue encore avec nervosité sur les dernières subtilités du théâtre bourgeois, sur le couple et l'infidélité.

Pirandello (1867-1936) a reçu le prix Nobel de littérature juste avant la création de la pièce en 1934. Pour écrire On ne sait comment, il a fondu deux de ses nouvelles, aux titres évocateurs : Dans le gouffre et La Réalité du rêve. Il voyait lui-même cette pièce (sa dernière œuvre achevée) comme un aboutissement de ses textes antérieurs.

Christophe Malavoy entre chien et loup : crépuscule d'une société et regard perçant du solitaire

Malavoy incarne à merveille cet excentrique de la conversation en société, à mi-chemin entre Misanthrope et fou du roi. Il a le visage impassible et la voix droite de celui qui a pénétré les replis de la conscience. Mais celui dont la conscience morale dépasse les bornes de la « morale » régnante risque de passer pour fou et de se voir exclure pour de bon de la société qu'il dénonce. À force de concentrer son regard sur l'étrangeté des choses et sur les faiblesses humaines, il finit par forcer les autres à le marginaliser.

Le personnage trop clairvoyant s'isole face à deux femmes et deux hommes : sa femme, épouse modèle gémissante (Isabelle Gelinas), son amante virtuelle, trop sûre d'elle (Philippine Leroy-Beaulieu), le mari de cette dernière, trop bonhomme pour affronter les abysses (Jean-Pierre Malo) et un prétendant falot (Pierre Aussedat). Tout ce petit monde se promène entre la profusion d'un mur de fleurs et l'austérité d'un cyprès au milieu d'une cour. Entre le luxe de leur condition et le dénuement de leur âme.

« Morale » de l'histoire : tout le monde n'est pas à même de mener à son terme un examen de conscience sans concession.
Paru le 15/11/2000